Impossible d’y échapper, à moins de couper sa connexion Internet et d’ignorer la presse paralittéraire. Grâce à un plan marketing très efficace, le best-seller italien « La solitude des nombres premiers » de Paolo Giordano a envahi la toile, précédé d’une rumeur plus que flatteuse. Le roman, qualifié par son éditeur de « best-seller phénoménal », vendu à « plus d’un million d’exemplaires en Italie », a reçu plusieurs prix, dont le prestigieux prix Strega (l’équivalent de notre Goncourt).
Tout ce tam-tam peut susciter chez certains lecteurs quelques préventions, nourries par la désagréable impression qu’on veut leur forcer la main. D’autant plus que, souvent, les livres font du bruit pour des raisons qui ne sont pas toutes littéraires. Il y a fort à parier que si l’auteur n’était pas un bel Italien d’à peine 30 ans, double transalpin de Florian Zeller (et donc source de jolies photos dans les magazines), «La solitude des nombres premiers » aurait rejoint les étals des librairies dans une discrétion absolue.
Faisons abstraction quelques instants de la rumeur pour considérer le livre, et lui seul. C’est l’histoire de deux adolescents solitaires et mal dans leur peau, Alice et Mattia, qui ont en commun d’avoir subi dans leur enfance un drame qui les marquera toute leur vie : Alice victime d’un accident de ski en a gardé une légère claudication et Mattia est responsable de la disparition de sa sœur attardée. Tous deux malmènent leur corps-anorexie pour Alice et scarifications pour Mattia- et s’enferment dans un solipsisme mortifère.
Mattia, qui se réfugie dans l’abstraction consolante des mathématiques, a observé que les nombres premiers (nombres qui n’ont que deux diviseurs, 1 et eux-mêmes) se rencontrent parfois par deux, ils ont un jumeau proche, séparé seulement par un nombre pair : c’est le cas de 17 et 19 par exemple. Mattia pressent que son destin est lié à celui d‘Alice comme celui de deux nombres premiers jumeaux. Tout au long de leur vie, Alice et Mattia se croisent, deviennent amis, mais parviendront-ils à échapper à leur solitude et à crever la bulle qui les isole ?
Alors, événement littéraire ou phénomène commercial ? La vérité est peut-être entre les deux. Paolo Giordano fait preuve d’une maîtrise narrative assez rare pour un premier roman. Paolo Giordano sait trouver les mots simples et efficaces, pour raconter au plus près des corps torturés, les tourments de ces êtres dangereusement déconnectés. Le roman impressionne par sa précision quasi mathématique et son sens aigu des détails. Mais les comparaisons avec « Ada » de Nabokov ou « La Nostalgie de l’ange », d’Alice Sebold qu’on a pu lire sous la plume de certains critiques sont excessives car le livre est plus intéressant pour son histoire bien ficelée que pour sa contribution à la construction narrative.
« La solitude des nombres premiers » de Paolo Giordano, éditions du Seuil, 2009, 329 p., 21 euros.
Tout ce tam-tam peut susciter chez certains lecteurs quelques préventions, nourries par la désagréable impression qu’on veut leur forcer la main. D’autant plus que, souvent, les livres font du bruit pour des raisons qui ne sont pas toutes littéraires. Il y a fort à parier que si l’auteur n’était pas un bel Italien d’à peine 30 ans, double transalpin de Florian Zeller (et donc source de jolies photos dans les magazines), «La solitude des nombres premiers » aurait rejoint les étals des librairies dans une discrétion absolue.
Faisons abstraction quelques instants de la rumeur pour considérer le livre, et lui seul. C’est l’histoire de deux adolescents solitaires et mal dans leur peau, Alice et Mattia, qui ont en commun d’avoir subi dans leur enfance un drame qui les marquera toute leur vie : Alice victime d’un accident de ski en a gardé une légère claudication et Mattia est responsable de la disparition de sa sœur attardée. Tous deux malmènent leur corps-anorexie pour Alice et scarifications pour Mattia- et s’enferment dans un solipsisme mortifère.
Mattia, qui se réfugie dans l’abstraction consolante des mathématiques, a observé que les nombres premiers (nombres qui n’ont que deux diviseurs, 1 et eux-mêmes) se rencontrent parfois par deux, ils ont un jumeau proche, séparé seulement par un nombre pair : c’est le cas de 17 et 19 par exemple. Mattia pressent que son destin est lié à celui d‘Alice comme celui de deux nombres premiers jumeaux. Tout au long de leur vie, Alice et Mattia se croisent, deviennent amis, mais parviendront-ils à échapper à leur solitude et à crever la bulle qui les isole ?
Alors, événement littéraire ou phénomène commercial ? La vérité est peut-être entre les deux. Paolo Giordano fait preuve d’une maîtrise narrative assez rare pour un premier roman. Paolo Giordano sait trouver les mots simples et efficaces, pour raconter au plus près des corps torturés, les tourments de ces êtres dangereusement déconnectés. Le roman impressionne par sa précision quasi mathématique et son sens aigu des détails. Mais les comparaisons avec « Ada » de Nabokov ou « La Nostalgie de l’ange », d’Alice Sebold qu’on a pu lire sous la plume de certains critiques sont excessives car le livre est plus intéressant pour son histoire bien ficelée que pour sa contribution à la construction narrative.
« La solitude des nombres premiers » de Paolo Giordano, éditions du Seuil, 2009, 329 p., 21 euros.