dimanche 31 août 2008

"La place de l'étoile" de P. Modiano

Il y a 40 ans Modiano publiait son premier livre, « La place de l’étoile », un roman inclassable, bigarré, multiforme. Le titre se réfère à une histoire juive placée en exergue « Au mois de juin 1942, un officier allemand s'avance vers un jeune homme et lui dit : "Pardon, monsieur, où se trouve la place de l'Étoile ?" Le jeune homme désigne le côté gauche de sa poitrine ».

Roman hanté par la question juive, « la place de l’étoile » raconte les mémoires fantasmatiques et hallucinatoires des multiples identités que prend le narrateur Shlemilovitch, tour à tour juif collabo, khâgneux, émigré en Israël, grand écrivain ou séducteur qui capture les femmes pour les donner à un réseau de traite des blanches. Tantôt martyr, tantôt bouffon, tantôt bourreau, ce personnage résume à lui tout seul un pan de l’histoire du judaïsme. Dans ce patchwork bigarré où l’on passe sans transition d’une identité à une autre, le lecteur le plus attentif a beaucoup de peine à suivre le fil du récit. Car Modiano procède par visions, mêlant songe et réalité, faisant ressusciter des personnages historiques comme Proust, Céline, Drieu la Rochelle, Brasillach, Freud, Hitler…Il mêle les styles faisant alterner tragique, pastiche, parodie.

Au total, un roman brillant et audacieux mais peut-être moins attachant que les ouvrages plus récents comme « Dans le café de la jeunesse perdue » ou la «La petite Bijou ».

Patrick Modiano, "La place de l’étoile", Gallimard, 1968, 211 pages.

jeudi 28 août 2008

Les livres à la radio (2) : France Inter

C’est au tour de France Inter de présenter sa grille de rentrée 2008-2009, avec, comme pour France Culture, peu de changement du côté des émissions littéraires.

Du lundi au vendredi à 9h10 dans « Esprit critique », Vincent Josse décortiquera l’actualité culturelle. Du lundi au jeudi à 20h, l’anticonformiste Kathleen Evin conversera avec des personnalités qui souvent mettent les mots à l’honneur (écrivains, metteurs en scène...).
Enfin le vendredi à 21heures Sophie Loubière alliera littérature et fantaisie dans « Parking de nuit », une émission qui mêle lectures de textes, créations, dialogues...

Mais c’est surtout le week-end que l’amateur de lettres trouvera son bonheur sur les ondes. L’incontournable « masque et la plume » consacré une fois pas mois à la littérature conserve le même horaire : dimanche à 20h00. Le samedi après midi la littérature élargit son horizon puisque Paula Jacques ; à 14h, dans « Cosmopolitaine » fera la part belle aux littératures étrangères et à 17h, Emmanuel Kherad revient avec sa « librairie francophone ».

lundi 25 août 2008

Les livres à la radio (1) : France Culture

Sur France Culture, les vacances sont déjà finies : la grille de rentrée s’installe lundi 25 août.
L’amateur de livres ne sera pas trop déstabilisé par la nouvelle grille de rentrée de France Culture, car pour cette saison 2008-2009, les principaux rendez-vous littéraires de la saison passée sont maintenus.

Chaque jour de 15 h à 16h, dans « A plus d’un titre» Tewfik Hakem (pour la littérature et la BD) et Jacques Munier (pour les essais et les revues) reçoivent chacun un auteur. Ouverture du bal lundi 25 août avec Amélie Nothomb et Jean-Paul Romac.

Le mardi de 10h à 11h, les auditeurs retrouveront Pascale Casanova, dans « Les mardis littéraires », qui mettra à l’honneur des auteurs ou des thématiques en général oubliés des autres medias.

« Tout arrive », le rendez-vous quotidien de l’actualité culturelle sera consacré à la littérature le lundi et aux essais le mardi. Dans la première partie Arnaud Laporte animera un débat autour des livres qui font l’actualité et recevra ensuite des personnalités du monde littéraire.

Le samedi à 17h autour de Joseph Macé-Scaron, dans « Jeux d’épreuves », quatre critiques littéraires soumettront quatre ouvrages à l’épreuve de leur jugement.

Le samedi à 21heures et le dimanche à 20h, « Fiction » donnera à entendre des lectures, adaptations, dramatiques (le samedi) et les grandes œuvres du patrimoine théâtral « le dimanche).

Si elles ne sont pas entièrement consacrées à la littérature, d’autres émissions accordent une place de choix aux livres et aux auteurs. C’est le cas de « Du jour au lendemain » où chaque jour à 23h30 Alain Veinstein s’entretient avec une personnalité qui est très souvent un écrivain. Entre autres, il recevra Véronique Olmi le 29 août, Pascal Quignard le 2 septembre, Catherine Millet le 3, Philippe Vilain le 4.

Une nouveauté dans cette grille qui joue la carte de la continuité : « Le choix des livres » fera découvrir du lundi au vendredi de 20h50 à 21h un livre de littérature française ou étrangère à travers un extrait précédé d’une courte présentation.

jeudi 21 août 2008

"Renaissance italienne" d'Eric Laurrent

Après le splendide « Clara Stern » qui se terminait par le départ du narrateur en Italie pour tenter d’oublier son amour perdu, Eric Laurrent nous conte, dans « Renaissance italienne » la suite des aventures amoureuses de ce double séducteur et inconsolable.

Après avoir transformé en roman son histoire malheureuse avec Clara Stern, le narrateur rencontre la belle Yalda et la suit en Italie. Unis par un même goût pour l’art italien, ils parcourent les charmes de la campagne toscane. La complicité instinctive qui unit les deux protagonistes est-elle le prélude à une histoire d’amour ?

La réponse ne sera donnée qu’au bout des 160 pages, après moult atermoiements, méprises (et une scène hilarante où le narrateur fou de jalousie s’introduit dans la chambre de celui qu’il croit être l’amant de Yalda) et interrogations. Car il y a du Marivaux chez Eric Laurrent qui met en scène deux êtres qui se cherchent, s’interrogent sur les sentiments de l’autre, analysent chacun de ses gestes pour tenter d’y lire des preuves d’amour, doutent, jouent les indifférents, se mettent à l’épreuve.


Avec cette « Renaissance italienne », l’auteur nous offre une subtile méditation sur l’état amoureux : «Tout soupirant est aliéné en effet, deux fous cohabitant en lui, l'un frappé d'un excès de passion, l'autre, d'un excès de raison, lesquels n'ont de cesse de se disputer tour à tour son esprit ». L’écriture délicieusement surannée d’Eric Laurrent, virtuose de l’imparfait du subjonctif, amateur de mots rares et de néologismes, emporte le lecteur au gré de ses phrases amples qui s’étirent sur une page et se déploient en subordonnées. Ce texte alambiqué pourrait être indigeste ; il n’en est rien car l’écriture est parfaitement maîtrisée si bien que se dégage paradoxalement à la lecture une impression d’extrême fluidité.

« Renaissance italienne » Eric Laurrent, Editions de Minuit, 159 pages, 14€.

mardi 19 août 2008

Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur la rentrée littéraire 2008 en 10 questions-réponses

1) Combien de livres pour la rentrée 2008 ?

466 romans français
210 romans étrangers
676 romans au total
dont 91 premiers romans

2) Publie-t-on toujours plus ?

Cette année : non. Le nombre de romans publiés à la rentré 2008 est en baisse par rapport à l’an dernier (676 au lieu de 727).
En revanche, comparée à ce qu’elle était il y a 20 ou 30 ans, la rentrée littéraire 2008 ressemble à un tsunami : dans les années 1980 le nombre de romans publiés était inférieur à 200.

3) Quel est le plus gros tirage ?

200 000 exemplaires pour le nouveau Amélie Nothomb chez Albin Michel

4) Pourquoi tant de livres à la rentrée ?

Ce n’est pas la rentrée des classes qui déteint sur tous les Français et les conduit à se plonger dans les livres dès leur retour de vacances ! Si la rentrée littéraire de septembre est bien plus abondante que celle de janvier, c’est parce que les prix littéraires sont décernés, pour la plupart (parmi les exceptions, le prix du livre Inter par exemple), en automne.

5) Quels sont les romans français les plus attendus de cette rentrée ?


Le nouveau Philippe Vilain. « Faux père » (Grasset) qui raconte l’histoire d’un séducteur à qui une belle italienne « fait un enfant dans le dos » est très attendu. De même que Benoît Duteurtre qui dans « Les pieds dans l'eau » (Gallimard) raconte la vie de son arrière-grand-père René Coty.

Si la finesse de « La conversation amoureuse » vous a charmé, il en sera de même de « Paradis conjugal » (Albin Michel), le nouveau roman d’Alice Ferney. Citons aussi, Sylvie Germain (« L'inaperçu », Albin Michel), Marie Nimier ( « Les inséparables »,Gallimard), Valentine Goby - Qui touche à mon corps, je le tue (Gallimard) etCatherine Cusset - Un brillant avenir (Gallimard).

6) Quels sont les romans étrangers les plus attendus de cette rentrée ?

Evidemment tout le monde attend le nouveau roman de Thomas Pynchon (« contre jour » au Seuil), mais aussi la fresque historique « Alfred et Emily » de la nobellisée Doris Lessing chez Flammarion. Susan Sontag (« Et en même temps », Bourgois), Joyce Carol Oates, Paula Fox (« Parure d’emprunt » chez Joëlle Losfeld), Hanif Kureishi (« Quelque chose à te dire », Bourgois), ou encore David Lodge (Rivages) sont également très attendus.


7) Qui sont les nouveaux auteurs prometteurs ?

« La meilleure part des hommes », un portrait d’une génération marquée par le sida, de Tristan Garcia a déjà reçu beaucoup de louanges.

8) De quoi parlent tous ces livres ?


Difficile de dégager des tendances parmi 676 romans ! Pourtant des lignes de force paraissent se dégager. Beaucoup de ces romans ont en commun un goût pour le malheur. Ainsi, Alice. Ferney (« Paradis conjugal ») analyse un couple qui se délite, Régis Jauffret écrit à une morte dans « Lacrimosa » chez Gallimard. Certains auteurs s’emparent de sujets lourds (le handicap pour Jean-Louis Fournier, dans « Où on va, papa » chez Stock, l’exclusion dans « Une fille du feu », d’Emmanuelle Bayamack-Tam à propos d’une jeune femme obèse),). Les histoires de sexe font toujours florès, avec les récidivistes de l’auto-fiction intime, Christine Angot (Le Marché des amants, Seuil) et Catherine Millet (Jour de souffrance, Flammarion). Pierre Bisiou ose une apologie de la sodomie dans « Enculée » (Stock), Dans un resgistre plus léger on attend beaucoup du nouveau Jean-Paul Dubois (« Les accommodements raisonnables », à l’Olvier) ou « Arkansas » de Pierre Mérot.


9) Qui se cache derrière le mystérieux roman annoncé par Flammarion ?


La PDG de Flammarion Teresa Crémisi a annoncé un livre mystère tiré à 100 000 exemplaires. Même si le nom de Houellebecq a été évoqué (ce matin sur France Inter), la seule chose que l’on sait avec certitude c’est qu’il s’agit d’un livre à deux voix.

10) Y a-t-il des chefs d’œuvres inconnus ?


Aucun critique, aucun lecteur ne peut lire plus de 600 romans. On pourrait craindre que de bons livres soient noyés dans la masse des publications et ne parviennent pas à trouver leurs lecteurs. Pourtant, quand un éditeur repère un chef d’œuvre, il sait le « vendre » aux journalistes et petit à petit un « buzz » se crée. Mais certains livres ne passent-ils pas quand même à travers les mailles du filet ?

lundi 18 août 2008

"Battement d'ailes" de Milena Agus


« Battement d’ailes », c’est d’abord un lieu. A travers le bleu de la mer, le jaune des citronniers, le blanc des amandiers en fleurs, l’auteur nous donne à voir ce petit coin de paradis perdu en Sardaigne. Dans ce lieu édénique vivent des personnages fantasques et attachants dont la narratrice adolescente nous raconte l’histoire.


Parmi eux, Madame, le personnage principal du livre est propriétaire d’un morceau de côte convoité par les agents immobiliers. Madame est la générosité incarnée, elle se fiche de l’argent, a des amants qui l’humilient et attend toujours le grand amour. Madame est une non-conformiste qui préfère rêver sa vie plutôt que de se conformer à ce qu’on attend d’elle (vendre son lopin de terre, vivre selon les normes). Ses rites magiques, sa légère folie et sa générosité font d’elle un personnage hors du commun. Ange gardien de Madame, le grand-père de la narratrice est également un personnage très attachant ; il aurait pu y avoir une histoire d’amour entre lui et Madame, mais ce pas ce vers quoi veut nous amener Milena Agus. Car il faudra beaucoup de temps à Madame pour accéder au bonheur et enfin apprendre à être aimée. Les autres personnages semblent tous un peu inadaptés à la vie réelle, de la mère de la narratrice anéantie par la mélancolie, au fils des voisins qui a quitté l’île pour faire de la musique à Paris, en passant par la tante de la narratrice spécialiste de Leibniz qui ne parvient à trouver un emploi.


Deuxième roman traduit en français de Milena Agus, la romancière italienne révélée par "Mal de pierre", "Battement d'ailes" est un petit bijou d'originalité et de poésie.

"Battement d'ailes", Milena Agus, Liana Levi, 155p., 15€.