lundi 29 décembre 2008

"Appelez-moi par mon prénom" de Nina Bouraoui

A ceux qui pensent avec Denis de Rougemont que "l'amour heureux n'a pas d'histoire" , Nina Bouraoui apporte un démenti avec son 11ème roman "Appelez-moi par mon prénom", le récit à la première personne des prémices de l'amour entre une femme écrivain et un jeune homme.

Dans une librairie en Suisse, une romancière rencontre l'un de ses lecteurs, un jeune homme de 16 ans son cadet qui lui remet une lettre dans laquelle il lui explique comment ses romans l'ont aidé à vivre. Il lui donne également une vidéo inspirée par son oeuvre. Commence alors une longue correspondance par mail entre la narratrice parisienne et son lecteur suisse.

Après plusieurs romans décrivant des passions violentes, "Appelez-moi par mon prénom" montre le lent surgissement de l'amour à travers les mots, avec ses doutes, ses remises en question, jusqu'à l'évidence finale, celle de deux désirs qui se reconnaissent et s'accordent. Nina Bouraoui excelle à peindre les étapes du sentiment amoureux, à analyser avec beaucoup de finesse le moment où tout bascule, où une vague attirance se transforme en passion. Les plus beaux passages du roman sont ceux d'avant la rencontre des corps, ceux où l'amour naît des mots, où le fantasme se nourrit de l'absence.

Même si certains passages aux phrases saccadées et à la structure identitique sont un peu lassants et si certaines images prêtent à sourire ("Je comparais l'existence à une lave chaude et dorée, coulant sous nos peaux"), l'auteur réussit souvent à cristalliser en une formule belle et juste les débuts de l'éblouissement amoureux. Un très beau roman sur le discours amoureux au temps des nouvelles technologies.

"Appelez-moi par mon prénom" de Nina Bouraoui, Stock, 2008, 112 p., 14,50 €.

lundi 22 décembre 2008

« L’affaire de Road Hill House » de Kate Summerscale

En 1860, l’Ouest de l’Angleterre est sous le choc d’une des plus mystérieuses affaires criminelles, l’affaire de Road Hill House. Un petit garçon est retrouvé assassiné dans la demeure de ses parents à Road dans le Wilthshire. Très vite, il s’avère que le coupable ne peut être qu’un membre de la maisonnée : parents, domestiques, frères et sœurs, sont soupçonnés. C’est alors qu’un nouveau personnage fait son entrée : le détective Jack Whicher, l’un des premiers détectives de l’Histoire réputé pour avoir résolu des affaires complexes grâce à son intuition, arrive tout droit de Scotland Yard . La presse de l’époque s’empare de ce fait divers inquiétant. Mais surtout l’affaire fait réagir, passionne et influence les grands auteurs contemporains dont Dickens ou Wilkie Collins.

« L’affaire de Road Hill House » de Kate Summerscale retrace ce fait divers passionnant avec minutie. Aux confins de l’histoire, la littérature et l’histoire littéraire, l’ouvrage appartient à un genre nouveau. Outre une reconstitution précise et très documentée de la vie des classes moyennes sous l’Angleterre victorienne, le récit de l’enquête est construit comme les meilleurs polars. Mais surtout Kate Summerscale parvient à éclairer les débuts de la littérature policière anglaise à la lumière du fait divers : l’originalité de ce récit tient à la manière dont l’auteur étudie l’appropriation de cette histoire par les auteurs anglais et met en lumière l’influence de ce fait divers sur les premiers romans policiers comme « Pierre de lune » de Wilkie Collins , mais aussi plus largement sur des textes de Dickens ou même « Le Tour d’écrou » d’Henry James.
L’affaire de Road Hill House » de Kate Summerscale, Christian Bourgois, 496 p., 25€

vendredi 12 décembre 2008

"Le chemin des sortilèges" de Nathalie Rheims

Avec son dixième roman, « Le chemin des sortilèges », Nathalie Rheims poursuit son exploration de l’enfance, de la mémoire et du deuil. Elle démontre une fois de plus que le travail de l’imaginaire et de l’inconscient n’est pas moins important que l’activité diurne et consciente. Après un tableau dans « Le rêve de Balthus », ce sont les contes de notre enfance qui servent de miroir à une femme en quête d ‘elle-même.

La narratrice du « chemin des sortilèges » retrouve Roland un homme qui fut l’amant de sa mère et qui s’est retiré du monde voilà 10 ans. Chaque soir, celui qui fut pendant son enfance son confident, dépose sur son bureau un conte, de « la Belle au bois dormant » le premier jour, à « La petite marchande d’allumettes » le dernier. Commence alors un parcours initiatique où rêves, souvenirs, lecture des contes entrent en résonance, se mêlent et se confondent en un long monologue intérieur. L’auteur utilise les contes comme un palimpseste en y enchevêtrant le discours intérieur de la narratrice, orchestrant ainsi entre la fiction et la vie un riche jeu de miroir, de trompe l’œil et d’écho.

Le lecteur qui entre dans un roman de Nathalie Rheims se trouve projeté dans un univers fantastique où les frontières entre rêves et réalité sont brouillées. Telle une magicienne du verbe, Nathalie Rheims sait créer des atmosphères envoûtantes, hantées par le souvenir des morts. Une quête existentielle bien plus palpitante qu’un thriller et qui montre comment parfois la réalité a besoin du détour de l’imaginaire pour advenir.
"Le chemin des sortilèges " de Nathalie Rheims, éditions Léo Scheer, 2008, 180 pages, 14€.

lundi 8 décembre 2008

"ce que nous avons eu de meilleur" de Jean-Paul Enthoven

Dans "Ce que nous avons eu de meilleur", Jean-Paul Enthoven revisite avec une nostalgie teintée d'amertume ses séjours au palais de la Zahia à Marrakech, années pendant lesquelles il a franchi "la ligne de démarcation qui sépare la fin de la jeunesse du reste de la vie". Dans ce roman du désenchantement, il peint un beau portrait d'un lieu somptueux, la Zahia et de tous ceux qui l'ont habité, depuis l'actrice Talita Getty, la "grande prêtresse de la religion du risque" qui eut pour hôtes Marlon Brando, Maurice Ronet ou Alain Delon, jusqu'à l'actuel propriétaire, le philosophe Lewis (double littéraire de BHL).
Riad féérique aux multiples patios et terrasses, la Zahia a tout d'un paradis : le narrateur, invité par son ami Lewis, y a goûté luxe, calme et volupté parmi les happy fews dillettantes qui constituent la "cour" des maîtres des lieux. Mais si la Zahia est un paradis, c'est un paradis perdu ou du moins corrodé par le temps. Car pour le narrateur, le temps de l'insouciance semble fini.
Brillant observateur de ses contemporains, le narrateur au seuil de la vieillesse sonde ses sentiments et passe au crible ses souvenirs. Et si le roman emprunte son titre à "l'Education sentimentale" de Flaubert, il lui emprunte aussi son ironie. De même que les anti-héros flaubertiens jetaient un regard désabusé sur leur jeunesse en qualifiant de "meilleur" une suite d'échecs et de désirs inaccomplis, le narrateur en vient à considérer comme vains les plus doux moments de sa vie.
Si "Ce que nous avons eu de meilleur" n'était qu'une brillante galerie de portraits d'une intelligentsia qui se vautre dans le luxe alors qu'à deux pas la misère gronde, ce roman pourrait agacer ou même écoeurer, mais la plume à la fois grave, douce et toujours stylée d'Enthoven rend assez émouvant ce bilan désespéré d'un Casanova qui, une fois la fête finie, se retrouve seul face à lui-même.
"Ce que nous avons eu de meilleur" de Jean-Paul Enthoven, Grasset, 2008, 220 pages, 15,90€.

jeudi 27 novembre 2008

"L'excuse" de Julie Wolkenstein

Qui n’a pas éprouvé à la lecture d’un roman cette curieuse impression que l’auteur parlait de lui ? Quel lecteur n’a pas découvert quelque chose de lui-même dans les pages d’une fiction ? Qui n’a jamais eu le sentiment de revivre une scène écrite plusieurs siècles auparavant ? C’est cette ressemblance fantastique entre la littérature et la vie qu’explore Julie Wolkenstein dans son roman « L’excuse ».

Lise revient habiter dans la maison de sa tante sur l’île de Matha’s Vineyard au large de Cap Code. Cette prof. de littérature à la retraite se plonge alors dans ses souvenirs de jeunesse car la maison de Matha’s Vineyard fut pour elle le lieu de toutes les découvertes, celle de l’Amérique mais aussi celle des sentiments, auprès de son brillant cousin Nick. Les souvenirs de Lise sont ravivés par la lecture d’un manuscrit intitulé « Déjà Vu » que Nick mort prématurément lui a laissé, texte dans lequel il expose son interprétation de la vie de Lise : pour Nick la vie de Lise ne fait que reproduire celle d’Isabelle Archer l’héroïne de « Portrait de femme » d’Henry James.

Comme Isabelle Archer, Lise a quitté un continent pour un autre, a reçu un héritage, a repoussé un prétendant amoureux pour faire un mariage malheureux. Sceptique au début de cette relecture de sa vie exposée dans le manuscrit de Nick, elle finit par s’interroger sur le sens des événements qui ont marqué sa vie : a-t-elle été manipulée ? Qui a écrit sa vie ? Au terme d’un jeu de piste haletant, Lise parviendra à découvrir la vérité sur sa propre histoire.

Suivant la structure de « Portrait de femme » d’Henry James, « L’excuse » mêle deux récits : le monologue de Lise qui se souvient de sa jeunesse dorée à Martha’s Vineyard et le manuscrit de Nick qui commente le roman de James et analyse les ressemblances avec la vie de sa cousine.

Jeu littéraire conduit avec brio, sensibilité et intelligence, « L’excuse » est bien plus qu’un exercice de style. C’est une méditation sur les pouvoirs de la littérature, une enquête quasi- fantastique sur les liens entre la fiction et la vie. A conseiller à tous les lecteurs qui ont parfois l’impression de lire leur vie dans les mots d’un écrivain.


"L’excuse" de Julie Wolkenstein, P.O.L., 344 pages, 20 euros.

mardi 18 novembre 2008

« Le premier principe, le second principe » de Serge Bramly

Après « La meilleure part des hommes », voici encore un roman de la rentrée littéraire qui repose sur des rapports ambigus entre réalité et fiction et qui reçoit aussi les honneurs d’un jury de prix littéraires, l’interallié cette fois-ci. Avec « Le premier principe, le second principe », une ample fresque à la manière d’un John Le Carré, Serge Bramly revisite la face cachée des années Mitterrand. Au centre de ce roman foisonnant, cinq personnages emblématiques des années 1980 dont les trajectoires vont se croiser jusqu’au drame.

A l’origine de ce roman, de troublantes coïncidences : que faisait sous le pont de l’Alma le paparazzi Max Jameson au moment où une princesse connaissait une fin tragique sous un tunnel ? Ce Rastignac de la photographie mort dans des circonstances étranges avait pour voisin un trafiquant d’armes et pour ami un ancien premier ministre dont la mort a également fait couler beaucoup d’encre. Rajoutons-y un conseiller du premier ministre et un membre des services secrets et l’on obtient un thriller politique qui nous entraîne d’une garden-party à l’Élysée aux bords de la mer de Chine, en passant par l’Afrique, les Balkans et l’Iran.

Si le romancier avoue s’être appuyé sur une documentation gigantesque et si le lecteur reconnaît sans effort quelles sont les personnalités qui ont inspiré les différents protagonistes, l’exergue brouille les pistes : «Tout est vrai. Rien n'est vrai. C'est un roman». Et un roman magistral où loin de se dissoudre dans le réel, l’imagination du romancier se joue de lui pour nous entraîner dans un jeu habile entre le vrai, le vraisemblable et la fiction.

Que le lecteur ne s’arrête pas au titre un peu prétentieux qui fait référence à deux principes thermodynamiques (« On refroidit inexorablement au contact d’un corps froid" et "Dans un système clos, l’entropie ne peut qu’augmenter") servant de grille d’interprétation aux événements et se plonge sans attendre dans cet ambitieux thriller.

«Le Premier Principe, le second principe», par Serge Bramly, JC Lattès, 616 p., 22 euros.

lundi 17 novembre 2008

"La meilleure part des hommes" de Tristan Garcia

Annoncé comme la révélation de cette rentrée littéraire et récompensé par le Prix de Flore, Tristan Garcia livre une fresque foisonnante sur les années 1980, avec en toile de fond l’apparition du sida, la constitution de mouvements gays et les batailles qui agitèrent le microcosme intellectuel parisien.

Sous les yeux d’Elisabeth, la narratrice, journaliste à Libé, s’affrontent trois hommes : Dominique Rossi dit « Doumé », ancien militant gauchiste, qui a fondé Stand, le premier mouvement d'émancipation de l'homosexualité en France, son amant William Miller « Will », jeune gay tête brulée qui entre sans le monde des idées sans en avoir les clés et Jean-Michel Leibowitz, intellectuel médiatisé qui part en guerre contre la pensée unique.
Doumé et Will s’aiment puis se haïssent ; la querelle privée se mue en affrontement politique puisque les deux hommes s’affrontent au temps où la communauté homosexuelle assaillie par le sida se mobilise. Alors que Doumé lutte pour l’intégration et la prévention, Willie entre en guerre contre son ancien amant et revendique sa liberté de « baiser sans capote », choix qu’il affirme avec fracas à coups d’esclandres publics, de brûlots, de coups médiatiques. Au terme de cette bataille, Doumé coule de vieux jours en vivant de ses rentes, Leibowitz finit ministre et le jeune Will récolte ce qu’il a semé et meurt seul à l’hôpital.
Ce premier roman constitue une belle plongée dans les années sida et réussit le tour de force de faire revivre une époque, avec une fougue et une insolence réjouissantes. « La meilleure part des hommes », on saisit bien toute l’ironie contenue dans ce titre, puisque le roman excelle dans la description de ce que l’époque a connu de pire : haine, malhonnêteté intellectuelle, opportunisme, lynchage médiatique, querelles communautaires…
Deux petits bémols empêchent cependant ce brillant coup d'essai d'être un coup de maître.
Est-ce pour gommer le côté « normalien qui sait écrire » que Tristan Garcia tombe dans le travers inverse, un style beaucoup trop « négligé », à la manière de Yann Moix (mais en mieux tout de même) ? Si cette écriture relâchée fait merveille dans les dialogues lorsqu’elle mime l’oralité, elle a un côté exaspérant dans les passages narratifs.
Par ailleurs, en dépit de l’avertissement de l’auteur : « Ce conte moral n'est pas une autofiction. C'est l'histoire, que je n'ai pas vécue, d'une communauté et d'une génération déchirées par le Sida, dans des quartiers où je n'ai jamais habité », le lecteur ne peut s’empêcher de reconnaître sous le masque des protagonistes des personnes bien réelles. L’écriture de Tristan Garcia avait suffisamment de force pour se passer de cet artifice-là.

Reste, après la lecture, une question : dans le roman, les personnages écrivent des livres comme on dégaine le revolver : chaque fois qu’un personnage veut se venger, il écrit un livre pour briser son adversaire, il vient inévitablement au lecteur l’interrogation suivante : à supposer que l’auteur fonctionne comme ses personnages, de qui ou de quoi a-t-il voulu se venger avec « La meilleure part des hommes » ?

« La meilleure part des hommes » de Tristan Garcia, Gallimard, 307 p., 18,50 €.

lundi 10 novembre 2008

Un voyage en Andalousie : quel guide choisir ?


Difficile de choisir son guide de voyage. Car il doit réussir la quadrature du cercle : contenir suffisamment d’informations pratiques pour préparer le voyage, permettre de s’orienter dans la ville grâce à des plans lisibles, offrir un commentaire détaillés des monuments et sites...tout en laissant la place à l’inattendu...

Pour un petit séjour d’une semaine à Séville et Cordoue, je suis partie avec 4 guides :

Guide bleu Espagne du sud :Andalousie, Murcie
Points forts : Art, histoire, civilisation, le guide le plus complet du point de vue culturel. Les principaux musées sont commentés salle par salle. Mention spéciale pour les extraits littéraires.

Points faibles : De bons plans d’ensemble mais pas de petits plans de quartiers. Pas de carnet d’adresses. Peu d’illustrations.

Pour qui ? Le lecteur du guide bleu est un pur esprit, il ne mange pas, ne dort pas et ne fait pas de shopping. En revanche, le guide bleu satisfera l’intello exigeant.

Guide bleu Espagne du sud : Andalousie, Murcie :, Hachette Tourisme , collection Guides bleus, Mars 2005, 512p., 23.90€.

Guide Gallimard Andalousie-Séville
Points forts : La richesse des illustrations : photos, croquis, schémas qui permettent de mieux comprendre les explications architecturales.

Points faibles : Le texte est parfois trop court notamment pour Cordoue qui aurait mérité de plus amples développements. Bons plans d’ensemble, mais les plans de quartiers ne sont pas très lisibles. Carnet d’adresses trop bref.

Pour qui ? : Le guide Gallimard s’adresse aux passionnés d’images.

Guide Andalousie – Séville, Collection Encyclopédies du voyage Étranger, Gallimard 2007
432 pages, 29,00 €.



Guide du Routard Andalousie 2008
Points forts : une mine d’adresses pour se loger et se restaurer, pour tous les budgets. Renseignements pratiques très utiles pour préparer le voyage.

Points faibles : peu de développements culturels et iconographie inexistante.

Pour qui ? le touriste fauché y trouvera de vrais bons plans.

Guide du Routard Andalousie 2008, éditions Hachette, 450 p., 12.90 € .

Un grand week-end à Séville
Points forts : Des itinéraires fléchés résumés dans un petit plan du quartier très pratique. De bonnes adresses.

Points faibles : Information culturelle très pauvre. Plus de pages consacrées aux boutiques de mode branchées qu’aux monuments. Une vision de la ville très superficielle.

Pour qui ? Les « modeuses » bobos en quête des lieux tendance.


« Un grand week-end à Séville », Hachette, collection un grand week-end, 144 p., avril 2008, 10.75 €.

Au total, je conseille de préparer son voyage avec le guide du Routard (transports, hébergement) puis, sur place, d’utiliser les itinéraires proposés dans « un grand week-end à » en complétant avec les informations culturelles du Guide bleu et du Gallimard.

vendredi 31 octobre 2008

« Le boulevard périphérique » d'Henry Bauchau

A 95 ans, Henry Bauchau, poète, romancier, dramaturge et psychanalyste nous offre une méditation sur la mort et la présence des morts en nous.

Pour rendre visite à sa belle-fille qui se meurt d’un cancer, le narrateur emprunte chaque jour le boulevard périphérique, qui tel un Styx de bitume sépare les vivants des morts. Mais pour Bauchau, les morts ne sont pas en Enfer, ils sont encore bien présents au fond de nous et leur influence, lumineuse ou maléfique se fait encore sentir. Parcourant ce chemin de croix, le narrateur exhume du fond de sa mémoire, le souvenir de deux hommes disparus aujourd’hui, deux figures opposées entre lesquelles il a dû naviguer : Stéphane, l’éphèbe plein de grâce et de légèreté et son double sombre, Shadow, incarnation du mal. Le vieillard tente de comprendre la fascination que ces deux figures ont exercé sur lui, jeune homme, et analyse le combat entre ces deux hommes Shadow le SS qui a tué Stéphane le résistant : « Moi aussi, je pèse lourd avec ma cargaison d'espoirs, de désirs, d'amours en regard de la petite barque et de la grande voile blanche de Stéphane. Tous deux sont allés bien plus loin que moi dans la réalité, Shadow dans la pesanteur, dans la dure complexité du monde, Stéphane dans l'allégement, dans une allégresse blessée par la vie, dans un soulèvement de plante qui sort de la terre sans savoir encore s'il y a un soleil ».

Ce roman vibrant au style poétique et lumineux a obtenu le prix du livre Inter en 2008.

Henry Bauchau, « Le boulevard périphérique », Actes Sud, 256 p., 19,50 €

mardi 28 octobre 2008

"Madame de Sade "de Mishima


Les mots claquent comme le fouet du divin marquis sur la scène du théâtre des Abbesses. Cinq femmes s’y affrontent dans des joutes verbales splendides et cruelles. Cinq femmes sur la scène et pourtant le personnage principal de cette pièce est un homme qui, bien qu’absent, hante tous les esprits : le marquis de Sade.

Au cours de trois journées qui s’étalent sur une période de 18 ans, se disputent, s’allient, se défient et s’opposent l’épouse, Renée de Sade, Anne sa sœur, la dévote Mme de Simiane, la libertine Mme de Saint-Fond et Madame de Montreuil, la belle-mère du marquis. Sous le regard de la servante Charlotte jouée par un homme, emprisonnées dans de somptueuses robes-cages à roulettes, elles tournoient sur un échiquier au sol, en évoquant le marquis pour l’encenser ou le conspuer, en tout cas essayer de comprendre la fascination qu’il exerce sur elles. Prises dans la tourmente de la révolution en marche, elles cherchent désespérément un Dieu en qui croire.

Mishima a écrit « Madame de Sade » en 1965 soit cinq ans avant son suicide. Il est parti d’une énigme historique : la fidélité absolue de la femme du marquis de Sade en dépit des souffrances plus morales que physiques que lui inflige son mari, puis sa rupture brutale à la sortie de prison du marquis. La pièce interroge sur le désir d’une femme qui se dévoue corps et âme à son fascinant mari « qui a su tirer du mal un jeu de lumières et a transmué en sainte essence la substance de l’ordure qu’il avait recueillie », comme si elle ne pouvait s’élever à la hauteur de son mari qu’en opposant à son libertinage absolu une fidélité absolue.

La mise en scène de Jacques Vincey frappe les esprits et les yeux par son raffinement et sa précision. La distribution très homogène sert remarquablement bien ce texte magnifique ;et l’adaptation de la pièce de Mishima par André-Pierre de Mandiagues dans un style élégant et somptueux est très claire.

« Madame de Sade » de Mishima par Jacques Vincey, théâtre des Abbesses jusqu’au 24 octobre puis en tournée en France.

lundi 20 octobre 2008

"Ricercar" par François Tanguy




Un déluge de musique, de lumières, de voix. C’est une expérience déroutante que proposent François Tanguy et sa troupe du théâtre du Radeau, avec « Ricercar ». Ce théâtre, que l’on peut qualifier de non-dramatique, puisqu’on n’y distingue ni personnages ni histoire, repose sur le montage, la superposition, le chevauchement d’éléments divers.

Sur une scène tout en profondeur où l’espace se transforme sans cesse, des hommes dans des costumes gris et des femmes aux visages surmaquillés de blanc habillées de robes débordant de jupons se déplacent, dansent, se portent, déclament ou murmurent des bribes de textes, en français ou dans des langues européennes, parfois inaudibles quand la musique les recouvrent. Le texte n’est qu’un matériau parmi d’autres (musique, lumières, déplacement) grâce auxquels le metteur en scène cherche à faire surgir l’émotion.

Pris dans cette profusion de vociférations, de lumières, de mouvements, de musique tonitruante, le spectateur a bien du mal à s’y retrouver. Il ne suffit pas de vouloir faire poétique à grand renfort d’effets dramatiques pour faire naître l’émotion. Car trop de sensations annule la sensation. Et le spectateur saturé attend la fin de ce spectacle grand-guignolesque et confus comme une délivrance.




"Ricercar" de François Tanguy et le théâtre du radeau, Odéon-Ateliers Berthier, jusqu'au 19 octobre puis en tournée en France.

mercredi 15 octobre 2008

"Tartuffe" à l'Odéon


Que ceux qui croient tout connaître de « Tartuffe » se précipitent au théâtre de l’Odéon où Stéphane Braunschweig, en centrant la pièce sur le désarroi d’Orgon, l’éclaire d’un jour nouveau. Le rideau se lève sur une scène de luxure. Ce prologue ajouté par le metteur en scène donne le la de la pièce : c’est de la violence du désir et du désarroi qu’il provoque dont il sera question. Car Orgon, le chef de famille sous la coupe du dévot Tartuffe au point de lui donner sa fille en mariage, apparaît comme un homme tourmenté par des désirs qu’il refoule faute de les assouvir. Claude Duparfait incarne à la perfection cet homme perdu, serré dans des vêtements étriqués, qui semble prisonnier de son corps.

Même si la pièce garde son caractère de farce grâce à la verve de la pétillante Dorine, Stéphane Braunschweig en propose une lecture profondément tragique en mettant en lumière l’impuissance de la raison face à l’aveuglement et aux pulsions : Orgon reste sourd au discours de bon sens porté comme souvent chez Molière par la servante Dorine.

Loin d’être partisan de l’effacement du metteur en scène, Braunschweig offre au contraire une interprétation personnelle de la pièce, renforcée par une mise en scène très efficace où tout fait sens. Ainsi, la maison aux allures de prison dont les hauts murs s’élèvent jusqu’aux cintres laisse paraître au fur et à mesure que l’action progresse une sorte de cave dans laquelle les personnages sont comme pris au piège. Au total ce « Tartuffe » parvient, grâce à une mise en scène d’une clarté et d’une pertinence rares, à donner une réelle épaisseur aux personnages.

« Tartuffe » de Molière, mis en scène par S. Braunschweig, Théâtre de l'Odéon, du 17 septembre au 25 octobre 2008, du mar au sam à 20 h ; dim à 15 h. Durée : 2 h 15 sans entracte

jeudi 9 octobre 2008

"Pour vous" de Dominique Mainard

Delphine une jeune femme de 35 ans a créé une agence de services à la personne d’un genre un peu particulier « Pour vous ». Car ce qu’elle propose, c’est du rêve et de l’illusion. Cette illusionniste des sentiments endosse tous les rôles pour combler les manques de ses clients : petite fille auprès d’un vieux monsieur délaissé, confidente d’un adolescent qui ne parvient pas à se faire des amis, intermédiaire d’un couple adultérin. Car qui n’a pas « parfois besoin d’un peu de répit, voire d’un peu de rêve» ? Même quand elle atteint des zones troubles, en prêtant le bébé de son assistante à un couple en mal d’enfants ou en faisant payer à sa propre mère le temps passé à déjeuner avec elle, l’héroïne reste imperturbable. Rien ne semble l’atteindre, ni les scrupules, ni les émotions. Si les sentiments constituent son fond de commerce, Delphine froide et calculatrice semble bien incapable d’en éprouver. Mais un jour ce masque d’indifférence se fissure. Lorsque Jones l’ami gigolo d’un ancien client vient à l’agence, notre héroïne découvre qu’elle a un cœur…

Dominique Mainard est l’auteur de plusieurs nouvelles et romans dont « Les mots bleus », adapté au cinéma par Alain Corneau. Elle excelle à dépeindre la solitude des temps modernes dans un style sec et dénué de pathos. Malheureusement, la métamorphose de l’héroïne froide et insensible en midinette enamourée est bien trop brutale pour être crédible. L’auteur est apparemment plus à l’aise pour décrire la solitude que l’amour et les pages sur l’éveil sentimental de la narratrice sombrent dans la mièvrerie.

« Pour vous » de Dominique Mainard, Joëlle Losfeld, 260 pages, 17€.

lundi 6 octobre 2008

Nuit blanche pour Régis Jauffret et ses microfictions

La « nuit blanche » a connu cette année un événement littéraire majeur : la lecture des « Microfictions » de Régis Jauffret. Pendant huit heures se sont succédé sur la scène du théâtre du Rond-Point plus de cent personnalités incarnant les personnages torturés de « Microfictions ». Parmi ces écrivains et comédiens qui ont prêté leur voix à ce texte grinçant citons Pierre Arditi, Ariane Ascaride, Josiane Balasko, Frederic Beigbeder, Charles Berling, Eric Caravaca, Philippe Djian…

Dans ces « fragments de la vie des gens », des hommes, des femmes, des enfants, riches ou pauvres, jeunes ou vieux racontent leurs crimes, leurs délires, leurs infamies, leurs joies, leurs bonheurs. Au fil de ces 130 portraits, se dessine une humanité féroce parfois tendre et toujours un peu déboussolée. L’auteur démontre une capacité incroyable à se mettre dans la peau de ses personnages, ainsi qu’un sens de l’image juste comme dans ce passage où un clochard compare son visage à « une timbale en fer blanc cabossé à force d’avoir heurté l’angle des trottoirs »…Une plongée vertigineuse dans les tréfonds de l’âme humaine.

Que ceux qui ont raté cet événement soient - en partie- consolés : du 5 au 30 décembre 2008 R. Jauffret lit son dernier roman « Lacrimosa » toujours au théâtre du Rond-Point.
"Microfictions" de Régis Jauffret, Gallimard, Folio 2008, 9,40€.

dimanche 28 septembre 2008

"Lacrimosa" de Régis Jauffret

Que faire d’un amour avorté ? Que faire d’une femme qui, faute d’avoir été suffisamment aimée, s’est pendue ? Et du chagrin qui accable celui qui reste ? Régis Jauffret en a fait un chef d’œuvre : « Lacrimosa ».

De « Univers, univers » à « Microfictions », l’univers romanesque de Jauffret était noir, désespérément noir. Meurtre, suicide, viol, folie, frustration, violence, l’écrivain excellait dans la peinture de la face sombre de l’humanité. Soudain le réel rattrapa la fiction quand, deux ans jour pour jour après leur première rencontre, son ancienne amante se suicide. Et le peintre implacable de la détresse humaine est conduit à braquer le projecteur sur sa propre histoire.

Dans « Lacrimosa », Jauffret imagine une correspondance entre un écrivain et la suicidée rebaptisée Charlotte, qui, d’outre-tombe, se rebelle contre la façon dont le narrateur réécrit son histoire. Au narrateur racontant leur relation et imaginant différentes versions du suicide, Charlotte répond avec une ironie cinglante : « -Espèce d’écrivain ! Toi et les tiens sont des charognards. Vous vous nourrissez de cadavres et de souvenirs. Vous êtes des dieux ratés, les bibliothèques sont des charniers. Aucun personnage n’a jamais ressuscité. Dostoïevski, Joyce, Kafka et toute cette clique qui t’a dévergondé, sont des malappris, des jean-foutre, des fripons, des coquins, des paltoquets ! ». Et l’écrivain de s’interroger sur ce que peut la littérature face à la mort: « J’ai fait ce que j’ai pu (...). J’ai essayé en vous écrivant une histoire de dompter la mort. Vous savez bien que je n’y suis pas parvenu. » Certes il n’a pas dompté la mort mais il a réalisé le vœu de Charlotte (« je te demande d’imaginer mes sentiments pour toi disparus avec mes dernières pensées. Quand on est un peu patraque, ça change les idées de se dire qu’on a été aimé »), en lui édifiant un tombeau à la beauté déchirante.

« Lacrimosa », Régis Jauffret, Gallimard, 218 pages,16,50€.

vendredi 26 septembre 2008

La rentrée théâtrale (II) : les contemporains

Côté contemporains, la rentrée théâtrale parisienne promet poésie et féerie avec trois reprises envoutantes. Aux Bouffes du Nord, Joël Pommerat reprend « Je tremble I et II » créés en 2007 et 2008 au festival d’Avignon, un spectacle total et très stylisé qui nous plonge dans l’atmosphère inquiétante d’un music-hall où défilent des personnages brisés qui viennent raconter leur histoire (du 23 septembre au 1er novembre). Au Rond-Point Victoria Chaplin et Jean-Baptiste Thierrée nous entraînent dans leur conte de fée « le cirque invisible » (du 7 octobre au 30 nouvembre). A l’Odéon (Ateliers Berthier) François Tanguy présente « Ricercar » (du 23 septembre au 19 octobre 2008).

Dans un tout autre registre, comique celui-là, Jean-Michel Ribes met en scène Patrick Robine dans son spectacle loufoque, « la ferme des concombres » (du 6 septembre au 2 novembre). Au théâtre Rive Gauche, Gautier Fourcade joue avec les mots, un peu à la manière de Devos dans « Le secret du temps plié » (à partir du 7 septembre).

La rentrée se fait aussi politique avec « Le silence des communistes », pièce montée par Jean-Pierre Vincent à partir d’un échange de lettres entre trois anciens responsables du parti communiste italien qui s’interrogent sur leurs idéaux(au Théâtre des Amandiers de Nanterre jusqu’au 27 septembre puis au Théâtre 71 de Malakoff du 30 septembre au 4 octobre et enfin au Théâtre de la Commune d’Aubervilliers du 7 au 11 octobre)

Signalons encore deux reprises : le spectacle émouvant « conversations avec ma mère » au théâtre de la commune (du 25 septembre au 19 octobre), « Ebauche d’un portrait » d’après le Journal de Jean-Luc Lagarce au théâtre Ouvert (du 19 septembre au 18 octobre).

vendredi 19 septembre 2008

« Paradis conjugal » d’Alice Ferney

Nombreux sont ceux qui écrivent sur l’amour. Peu réussissent. Alice Ferney faisait partie de ceux-là quand, dans « La conversation amoureuse », elle analysait avec finesse et intelligence toutes les étapes de la séduction qui conduisent à la formation d’un couple. On espérait que le miracle se répéterait avec son nouvel opus « Paradis conjugal », qui porte cette fois sur l’étiolement d’un amour. Or, si l’intelligence est toujours là, la grâce semble avoir abandonné Alice Ferney.

Elsa Platte passe ses journées à visionner « Chaînes conjugales » le film de Mankiewicz : l’histoire de trois amies, Deborah, Lora et Rita, qui au moment de partir pour une journée en pique-nique reçoivent une lettre de leur copine Addie leur annonçant son départ avec le mari de l’une d’elles. Commence alors pour les trois héroïnes une journée d’angoisse au cours de laquelle chacune revoit les étapes décisives de son mariage et s’interroge sur les raisons qu’aurait son époux de la quitter. Fascinée par le film, la narratrice Elsa Platte le raconte et le décortique scène après scène tout en méditant sur sa propre vie de couple et sur l’érosion des sentiments dans le mariage.

Si l’idée du livre paraissait intéressante, l’auteur ne parvient pas à donner de la consistance au personnage d’Elsa si bien que le roman ressemble à un exercice de style. Au bout de 50 pages, le lecteur, lassé de ce décorticage méticuleux de chaque plan du film, sombre dans l’ennui. Pourtant les premières pages dans lesquelles la narratrice s’interroge sur le rôle de l’art dans sa vie sont plutôt réussies : « On peut se plonger dans une œuvre, se calfeutrer dans ce qu’elle fait lever en soi, rechercher sans finir ni se lasser sa tonalité spéciale, ramifier la complicité que l’on entretient avec elle (…). Comme si la vie avait besoin d’un écho, d’un ensemble architecturé de miroirs qui nous la révèle et nous l’éclaircisse ». Et la scène finale est splendide.


« Paradis conjugal », d’Alice Ferney, Albin Michel, 353 p., 19€.

mardi 16 septembre 2008

La rentrée théâtrale côté classiques : une rentrée dominée par Molière

Oublions un instant les people (Laetitia Casta, Jacques Vergès, Jean-Marie Bigard) qui accaparent l’attention et penchons-nous sur cette rentrée théâtrale 2008, qui pour les classiques, semble être placée sous le patronage de Molière.

A l’Odéon, la saison commence fort avec la reprise d’un spectacle créé cette année au Théâtre National de Strasbourg (TNS) : « Tartuffe » mis en scène par Stéphane Braunschweig (ancien directeur du TNS et futur directeur de la Colline). L’originalité de cette nouvelle mise en scène est de centrer la pièce sur le personnage d’Orgon qui par désarroi en vient à abdiquer tout jugement pour se livrer à Tartuffe.
Odéon, du 17 septembre au 25 octobre 2008

Autre pièce de Molière très attendue, « Le Malade Imaginaire », mise en scène par Georges Werler, avec Michel Bouquet, qui la saison passée avait interprété un Avare salué par la critique, et Juliette Carré.
Théâtre de la Porte Saint-Martin, du 5 septembre au 31 octobre 2008

Dans un tout autre genre, « Dom Juan » est repris avec un parti-pris résolument moderne par Yann-Joël Collin.
Théâtre Gérard Philippe à Saint-Denis, du 15 septembre au 11 octobre 2008

Enfin, « Amphitryon », pièce comique et satirique inspirée de Plaute, (l’histoire d’Amphitryon, un mortel dont Jupiter prend l’apparence pour séduire sa femme) est mise en scène au Ranelagh.
Ranelagh, à partir du 12 septembre 2008

Autre mise en scène très attendue, celle de Denys Podalydès qui met à l’honneur une pièce peu jouée de Musset « Fantasio ». L’acteur-metteur en scène-écrivain (il publie cette rentrée littéraire au Mercure de France « Voix off », dans lequel il décrit magistralement les voix de ceux qui ont compté pour lui) a choisi de donner le rôle-titre du bouffon railleur à une femme, Cécile Brune – choix qui paraît a priori plus judicieux que celui de S. Gildas qui, dans son « Lorenzaccio » au Trianon, donne le rôle-titre à Francis Lalanne.
Comédie-Française, salle Richelieu du 18 septembre 2008 au 15 mars 2009

« Fin de partie » de Beckett est mise en scène par Charles Berling qui interprète aussi le rôle de Clov, avec Dominique Pinon, Dominique Marcas et Gilles Segal.
Théâtre de l’Atelier, du 23 novembre 2008 au 4 janvier 2009

Enfin côté boulevard, Bernard Murat monte la délicieuse pièce de Guitry « Faisons un rêve » avec Clothilde Courot et Pierre Arditi
Théâtre Edouard VII, à partir du 9 septembre 2008.
(à suivre)

mardi 9 septembre 2008

« Pour les siècles des siècles », Anne Plantagenet


Dans chacune de ces sept nouvelles qui constituent autant de variations sur le thème éternel du sentiment amoureux, les protagonistes, toujours un homme et une femme, portent les prénoms des couples d’amoureux mythiques, comme si l’auteur essayait de transposer les histoires d’amour dans la modernité pour voir ce qu’il en reste.

C’est que souvent dans ce recueil la modernité dresse des obstacles à l’amour. Dans une des nouvelles intitulée http://amour.com, Dante, un éditeur, envoie un e-mail à sa Béatrice, une femme mariée plus jeune que lui. A une autre époque, il aurait écrit une lettre et ne l’aurait jamais envoyé, mais là, l’immédiateté de l’envoi par e-mail fige la première impulsion avant qu’il ait le temps de se reprendre. S’ensuit alors le long monologue intérieur du vieil éditeur en proie au doute et à la peur du ridicule. Dans une autre nouvelle, Aurélien, époux maladroit, offre à Bérénice un cadeau qui jette un froid dans leur relation : un vibro-masseur. Cet objet sèmera-t-il le trouble dans leur couple ?

La nouvelle la plus réussie du recueil est certainement « Ne pas revoir » où une femme mariée qui vient de refuser une liaison avec un homme qu’elle aurait pu aimer s’interroge que ce moment où tout aurait pu basculer et où elle a choisi la fidélité : « C’est avec vous que j’aurais chuté. C’est sous vos lois que je serais tombée. J’en tremble quand j’y pense. A ce qu’on a frôlé. On est passé tout près. A quoi ça tient une vie ? »

Avec grâce et élégance, Anne Plantagenet décortique toute une palette de sentiments amoureux, le désir, la jalousie, l’amour éternel, l’attente. Elle fait entendre les voix de ces hommes et de ces femmes qui s’attendent, se désirent, se fuient, s’aiment ou se perdent.

« Pour les siècles des siècles », Anne Plantagenet, Stock, 2008, 157 p.,15,50€.

dimanche 7 septembre 2008

La grande librairie

Nouvelle émission littéraire sur France 5, « La grande librairie » succède au regretté « Bateau Livre » de Frédéric Ferney. Présentée par le directeur du magasine Lire, François Busnel, l’émission mêle reportages, interviews d’écrivains en direct, palmarès des ventes de la semaine, coup de cœur d’un libraire, dessins humoristiques croqués en direct. Pour cette première, le casting offre un bon compromis entre les stars connues du grand public (Amélie Nothomb) les auteurs reconnus (Régis Jauffret, Philippe Ségur) et le primo-romancier prometteur (Jean-Baptiste Del Amo).

La conversation de bon niveau porte sur le style et la création littéraire. Cette première émission offre un moment d’anthologie avec la brillante Amélie Nothomb parlant avec clarté et sens de la répartie de l’écriture comme d’un moyen de faire la connaissance du « salaud inconnu » que nous portons tous en nous. Régis Jauffret s’exprime avec justesse sur les rapports entre la vie et la fiction. Dommage que le discours de l’écrivain l’emporte sur son écriture, on aurait aimé entendre davantage d’extraits des livres présentés.

Autre regret, « la grande librairie » cède à la mode des palmarès qui tend à réduire un livre au nombre d’exemplaire vendus. Malgré un décor sinistre, pas très cosy et qui évoque davantage un cinéma qu’une bibliothèque, malgré le défilé de SMS sans intérêt qui perturbe l’attention du téléspectateur et même si François Busnuel n’a pas l’élégance et la subtilité de Frédéric Ferney, « La grande librairie » a le mérite de donner la parole aux auteurs en évitant les numéros de cirque. Espérons que l’émission tienne la route avec des auteurs moins télégéniques qu’Amélie Nothomb.


« La grande librairie », France 5, jeudi à 20 h 40 (rediffusion le samedi à 13 h 30).

jeudi 4 septembre 2008

"Mon traître" de Sorj Chalandon

Reporter spécialiste de l’Irlande du Nord, Sorj Chalandon, était aussi l’ami d’un leader de l’IRA (armée républicaine irlandaise), Denis Donaldson, qui a avoué en 2005 être une taupe pour le compte des Britanniques depuis plus de 20 ans. Pour Sorj Chalandon, cette nouvelle provoqua un terrible choc. C’est certainement pour interroger cette trahison que le journaliste s’est créé un double littéraire, Antoine, le narrateur de « Mon traître », un luthier parisien peu à l’aise avec les mots.

Plus qu’une enquête historico-politique, « Mon traître » est un roman sur l’amitié. Dans presque 300 pages d’une écriture épurée composée de phrases courtes et sèches, Antoine raconte sa passion pour l’Irlande du Nord, les chants, la langue, la fraternité et surtout sa fascination pour Tyrone Meehan, un leader de l’IRA. 300 pages pour s’interroger sur une amitié : celui qui a trahi sa cause était-il aussi traître en amitié ? Comment expliquer sa trahison ? Celle-ci jette-t-elle un doute sur la sincérité des sentiments du traître pour le narrateur ? Le livre ne donne aucune réponse et laisse le lecteur dans le même état d’incertitude et d’incompréhension qui fut certainement celui de l’auteur face à la trahison. Si cette absence de réponse peut être frustrante pour le lecteur qui souhaite comprendre, elle n’en constitue pas moins un enseignement : celui de l’imperméabilité des êtres qui nous entourent. Mais ce parti pris peut aussi laisser le lecteur « à la porte » de ce grand livre, car l’auteur ne lui donne que peu de clés ; au terme de cette enquête, la fascination du narrateur pour son traître et les raisons de la trahison demeurent un mystère.

"Mon traître" de Sorj Chalandon, Grasset, 275 p. 17.90 €

mardi 2 septembre 2008

"Ténébreuses" de Karin Alvtegen

Alex Ragnerfeldt est un écrivain moribond mais consacré. Sa vie présente toutes les apparences de la réussite et de la respectabilité puisqu’en plus d’être un écrivain nobélisé, il est également une référence morale dans son pays. Les apparences seulement. Car la mort de sa vieille gouvernante, Gerda, va mettre au jour un passé beaucoup moins glorieux qu’il n’y paraît. Au cœur de l’intrigue, une amoureuse passionnée et fragile Halina, dont la rencontre avec Alex marque le début d’un engrenage vertigineux dans lequel un crime en entraîne un autre, plus horrible encore. Dans cet engrenage, se retrouvent pris un écrivain rival d’Alex, la femme d’Alex, ses deux enfants ainsi qu’un mystérieux orphelin dont Gerda a fait son unique héritier.

« Ténébreuses », le quatrième roman traduit en français de la suédoise Karin Alvtegen, est un thriller psychologique remarquablement bien écrit – et bien traduit- dans lequel le suspense va crescendo pour entraîner le lecteur dans une cascade de révélations époustouflantes où il est question d’usurpation, de meurtre, de viol et de chantage. Si Karin Alvtegen nous tient en haleine jusqu’au bout, c’est grâce à sa maîtrise du genre, mais aussi à sa finesse psychologique. Car « Ténébreuses » se lit aussi comme une inquiétante plongée dans les ressorts de l’âme humaine et d’une de ses passions, le désir de gloire. A travers les destins d’hommes avides de gloire, dévorés par la jalousie et prêts à tout pour conquérir et préserver leur respectabilité, Karin Alvtegen nous interroge sur ce que nous sommes prêts à faire pour réussir.

Avec ce roman, Karin Alvtegen, la petite-nièce d’Astrid Lindgren, la créatrice de Fifi Brindacier prouve qu’elle a toutes les qualités pour concurrencer Stieg Larsson, l’auteur de « Millénium » au tableau d’honneur du polar suédois.

Seul petit bémol : le titre français - peu fidèle à l’original Skugga qui signifie « ombre » en suédois - est trompeur, car il laisse penser que les personnages féminins sont la clé de l’intrigue, alors que dans le roman, ce sont les hommes qui, en poursuivant leurs rêves de gloire et de réussite, scellent le destin de leur entourage, laissant au second plan les figures féminines.

« Ténébreuses », Karin Alvtegen, Plon, 315 pages, 20 €.

dimanche 31 août 2008

"La place de l'étoile" de P. Modiano

Il y a 40 ans Modiano publiait son premier livre, « La place de l’étoile », un roman inclassable, bigarré, multiforme. Le titre se réfère à une histoire juive placée en exergue « Au mois de juin 1942, un officier allemand s'avance vers un jeune homme et lui dit : "Pardon, monsieur, où se trouve la place de l'Étoile ?" Le jeune homme désigne le côté gauche de sa poitrine ».

Roman hanté par la question juive, « la place de l’étoile » raconte les mémoires fantasmatiques et hallucinatoires des multiples identités que prend le narrateur Shlemilovitch, tour à tour juif collabo, khâgneux, émigré en Israël, grand écrivain ou séducteur qui capture les femmes pour les donner à un réseau de traite des blanches. Tantôt martyr, tantôt bouffon, tantôt bourreau, ce personnage résume à lui tout seul un pan de l’histoire du judaïsme. Dans ce patchwork bigarré où l’on passe sans transition d’une identité à une autre, le lecteur le plus attentif a beaucoup de peine à suivre le fil du récit. Car Modiano procède par visions, mêlant songe et réalité, faisant ressusciter des personnages historiques comme Proust, Céline, Drieu la Rochelle, Brasillach, Freud, Hitler…Il mêle les styles faisant alterner tragique, pastiche, parodie.

Au total, un roman brillant et audacieux mais peut-être moins attachant que les ouvrages plus récents comme « Dans le café de la jeunesse perdue » ou la «La petite Bijou ».

Patrick Modiano, "La place de l’étoile", Gallimard, 1968, 211 pages.

jeudi 28 août 2008

Les livres à la radio (2) : France Inter

C’est au tour de France Inter de présenter sa grille de rentrée 2008-2009, avec, comme pour France Culture, peu de changement du côté des émissions littéraires.

Du lundi au vendredi à 9h10 dans « Esprit critique », Vincent Josse décortiquera l’actualité culturelle. Du lundi au jeudi à 20h, l’anticonformiste Kathleen Evin conversera avec des personnalités qui souvent mettent les mots à l’honneur (écrivains, metteurs en scène...).
Enfin le vendredi à 21heures Sophie Loubière alliera littérature et fantaisie dans « Parking de nuit », une émission qui mêle lectures de textes, créations, dialogues...

Mais c’est surtout le week-end que l’amateur de lettres trouvera son bonheur sur les ondes. L’incontournable « masque et la plume » consacré une fois pas mois à la littérature conserve le même horaire : dimanche à 20h00. Le samedi après midi la littérature élargit son horizon puisque Paula Jacques ; à 14h, dans « Cosmopolitaine » fera la part belle aux littératures étrangères et à 17h, Emmanuel Kherad revient avec sa « librairie francophone ».

lundi 25 août 2008

Les livres à la radio (1) : France Culture

Sur France Culture, les vacances sont déjà finies : la grille de rentrée s’installe lundi 25 août.
L’amateur de livres ne sera pas trop déstabilisé par la nouvelle grille de rentrée de France Culture, car pour cette saison 2008-2009, les principaux rendez-vous littéraires de la saison passée sont maintenus.

Chaque jour de 15 h à 16h, dans « A plus d’un titre» Tewfik Hakem (pour la littérature et la BD) et Jacques Munier (pour les essais et les revues) reçoivent chacun un auteur. Ouverture du bal lundi 25 août avec Amélie Nothomb et Jean-Paul Romac.

Le mardi de 10h à 11h, les auditeurs retrouveront Pascale Casanova, dans « Les mardis littéraires », qui mettra à l’honneur des auteurs ou des thématiques en général oubliés des autres medias.

« Tout arrive », le rendez-vous quotidien de l’actualité culturelle sera consacré à la littérature le lundi et aux essais le mardi. Dans la première partie Arnaud Laporte animera un débat autour des livres qui font l’actualité et recevra ensuite des personnalités du monde littéraire.

Le samedi à 17h autour de Joseph Macé-Scaron, dans « Jeux d’épreuves », quatre critiques littéraires soumettront quatre ouvrages à l’épreuve de leur jugement.

Le samedi à 21heures et le dimanche à 20h, « Fiction » donnera à entendre des lectures, adaptations, dramatiques (le samedi) et les grandes œuvres du patrimoine théâtral « le dimanche).

Si elles ne sont pas entièrement consacrées à la littérature, d’autres émissions accordent une place de choix aux livres et aux auteurs. C’est le cas de « Du jour au lendemain » où chaque jour à 23h30 Alain Veinstein s’entretient avec une personnalité qui est très souvent un écrivain. Entre autres, il recevra Véronique Olmi le 29 août, Pascal Quignard le 2 septembre, Catherine Millet le 3, Philippe Vilain le 4.

Une nouveauté dans cette grille qui joue la carte de la continuité : « Le choix des livres » fera découvrir du lundi au vendredi de 20h50 à 21h un livre de littérature française ou étrangère à travers un extrait précédé d’une courte présentation.

jeudi 21 août 2008

"Renaissance italienne" d'Eric Laurrent

Après le splendide « Clara Stern » qui se terminait par le départ du narrateur en Italie pour tenter d’oublier son amour perdu, Eric Laurrent nous conte, dans « Renaissance italienne » la suite des aventures amoureuses de ce double séducteur et inconsolable.

Après avoir transformé en roman son histoire malheureuse avec Clara Stern, le narrateur rencontre la belle Yalda et la suit en Italie. Unis par un même goût pour l’art italien, ils parcourent les charmes de la campagne toscane. La complicité instinctive qui unit les deux protagonistes est-elle le prélude à une histoire d’amour ?

La réponse ne sera donnée qu’au bout des 160 pages, après moult atermoiements, méprises (et une scène hilarante où le narrateur fou de jalousie s’introduit dans la chambre de celui qu’il croit être l’amant de Yalda) et interrogations. Car il y a du Marivaux chez Eric Laurrent qui met en scène deux êtres qui se cherchent, s’interrogent sur les sentiments de l’autre, analysent chacun de ses gestes pour tenter d’y lire des preuves d’amour, doutent, jouent les indifférents, se mettent à l’épreuve.


Avec cette « Renaissance italienne », l’auteur nous offre une subtile méditation sur l’état amoureux : «Tout soupirant est aliéné en effet, deux fous cohabitant en lui, l'un frappé d'un excès de passion, l'autre, d'un excès de raison, lesquels n'ont de cesse de se disputer tour à tour son esprit ». L’écriture délicieusement surannée d’Eric Laurrent, virtuose de l’imparfait du subjonctif, amateur de mots rares et de néologismes, emporte le lecteur au gré de ses phrases amples qui s’étirent sur une page et se déploient en subordonnées. Ce texte alambiqué pourrait être indigeste ; il n’en est rien car l’écriture est parfaitement maîtrisée si bien que se dégage paradoxalement à la lecture une impression d’extrême fluidité.

« Renaissance italienne » Eric Laurrent, Editions de Minuit, 159 pages, 14€.

mardi 19 août 2008

Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur la rentrée littéraire 2008 en 10 questions-réponses

1) Combien de livres pour la rentrée 2008 ?

466 romans français
210 romans étrangers
676 romans au total
dont 91 premiers romans

2) Publie-t-on toujours plus ?

Cette année : non. Le nombre de romans publiés à la rentré 2008 est en baisse par rapport à l’an dernier (676 au lieu de 727).
En revanche, comparée à ce qu’elle était il y a 20 ou 30 ans, la rentrée littéraire 2008 ressemble à un tsunami : dans les années 1980 le nombre de romans publiés était inférieur à 200.

3) Quel est le plus gros tirage ?

200 000 exemplaires pour le nouveau Amélie Nothomb chez Albin Michel

4) Pourquoi tant de livres à la rentrée ?

Ce n’est pas la rentrée des classes qui déteint sur tous les Français et les conduit à se plonger dans les livres dès leur retour de vacances ! Si la rentrée littéraire de septembre est bien plus abondante que celle de janvier, c’est parce que les prix littéraires sont décernés, pour la plupart (parmi les exceptions, le prix du livre Inter par exemple), en automne.

5) Quels sont les romans français les plus attendus de cette rentrée ?


Le nouveau Philippe Vilain. « Faux père » (Grasset) qui raconte l’histoire d’un séducteur à qui une belle italienne « fait un enfant dans le dos » est très attendu. De même que Benoît Duteurtre qui dans « Les pieds dans l'eau » (Gallimard) raconte la vie de son arrière-grand-père René Coty.

Si la finesse de « La conversation amoureuse » vous a charmé, il en sera de même de « Paradis conjugal » (Albin Michel), le nouveau roman d’Alice Ferney. Citons aussi, Sylvie Germain (« L'inaperçu », Albin Michel), Marie Nimier ( « Les inséparables »,Gallimard), Valentine Goby - Qui touche à mon corps, je le tue (Gallimard) etCatherine Cusset - Un brillant avenir (Gallimard).

6) Quels sont les romans étrangers les plus attendus de cette rentrée ?

Evidemment tout le monde attend le nouveau roman de Thomas Pynchon (« contre jour » au Seuil), mais aussi la fresque historique « Alfred et Emily » de la nobellisée Doris Lessing chez Flammarion. Susan Sontag (« Et en même temps », Bourgois), Joyce Carol Oates, Paula Fox (« Parure d’emprunt » chez Joëlle Losfeld), Hanif Kureishi (« Quelque chose à te dire », Bourgois), ou encore David Lodge (Rivages) sont également très attendus.


7) Qui sont les nouveaux auteurs prometteurs ?

« La meilleure part des hommes », un portrait d’une génération marquée par le sida, de Tristan Garcia a déjà reçu beaucoup de louanges.

8) De quoi parlent tous ces livres ?


Difficile de dégager des tendances parmi 676 romans ! Pourtant des lignes de force paraissent se dégager. Beaucoup de ces romans ont en commun un goût pour le malheur. Ainsi, Alice. Ferney (« Paradis conjugal ») analyse un couple qui se délite, Régis Jauffret écrit à une morte dans « Lacrimosa » chez Gallimard. Certains auteurs s’emparent de sujets lourds (le handicap pour Jean-Louis Fournier, dans « Où on va, papa » chez Stock, l’exclusion dans « Une fille du feu », d’Emmanuelle Bayamack-Tam à propos d’une jeune femme obèse),). Les histoires de sexe font toujours florès, avec les récidivistes de l’auto-fiction intime, Christine Angot (Le Marché des amants, Seuil) et Catherine Millet (Jour de souffrance, Flammarion). Pierre Bisiou ose une apologie de la sodomie dans « Enculée » (Stock), Dans un resgistre plus léger on attend beaucoup du nouveau Jean-Paul Dubois (« Les accommodements raisonnables », à l’Olvier) ou « Arkansas » de Pierre Mérot.


9) Qui se cache derrière le mystérieux roman annoncé par Flammarion ?


La PDG de Flammarion Teresa Crémisi a annoncé un livre mystère tiré à 100 000 exemplaires. Même si le nom de Houellebecq a été évoqué (ce matin sur France Inter), la seule chose que l’on sait avec certitude c’est qu’il s’agit d’un livre à deux voix.

10) Y a-t-il des chefs d’œuvres inconnus ?


Aucun critique, aucun lecteur ne peut lire plus de 600 romans. On pourrait craindre que de bons livres soient noyés dans la masse des publications et ne parviennent pas à trouver leurs lecteurs. Pourtant, quand un éditeur repère un chef d’œuvre, il sait le « vendre » aux journalistes et petit à petit un « buzz » se crée. Mais certains livres ne passent-ils pas quand même à travers les mailles du filet ?

lundi 18 août 2008

"Battement d'ailes" de Milena Agus


« Battement d’ailes », c’est d’abord un lieu. A travers le bleu de la mer, le jaune des citronniers, le blanc des amandiers en fleurs, l’auteur nous donne à voir ce petit coin de paradis perdu en Sardaigne. Dans ce lieu édénique vivent des personnages fantasques et attachants dont la narratrice adolescente nous raconte l’histoire.


Parmi eux, Madame, le personnage principal du livre est propriétaire d’un morceau de côte convoité par les agents immobiliers. Madame est la générosité incarnée, elle se fiche de l’argent, a des amants qui l’humilient et attend toujours le grand amour. Madame est une non-conformiste qui préfère rêver sa vie plutôt que de se conformer à ce qu’on attend d’elle (vendre son lopin de terre, vivre selon les normes). Ses rites magiques, sa légère folie et sa générosité font d’elle un personnage hors du commun. Ange gardien de Madame, le grand-père de la narratrice est également un personnage très attachant ; il aurait pu y avoir une histoire d’amour entre lui et Madame, mais ce pas ce vers quoi veut nous amener Milena Agus. Car il faudra beaucoup de temps à Madame pour accéder au bonheur et enfin apprendre à être aimée. Les autres personnages semblent tous un peu inadaptés à la vie réelle, de la mère de la narratrice anéantie par la mélancolie, au fils des voisins qui a quitté l’île pour faire de la musique à Paris, en passant par la tante de la narratrice spécialiste de Leibniz qui ne parvient à trouver un emploi.


Deuxième roman traduit en français de Milena Agus, la romancière italienne révélée par "Mal de pierre", "Battement d'ailes" est un petit bijou d'originalité et de poésie.

"Battement d'ailes", Milena Agus, Liana Levi, 155p., 15€.