mercredi 18 février 2009

"La ville" de Martin Crimp, par Marc Paquien

Héritier de Pinter, Martin Crimp est l’un des auteurs britanniques vivants les plus joués en France. « La ville », mise en scène par Marc Paquien commence comme une comédie bourgeoise ou un vaudeville.

Un soir Claire (Marianne Denicourt), une traductrice, raconte à son mari Christopher (André Marcon) sa rencontre avec un écrivain qui lui a offert un carnet. Le mari annonce qu’il vient de perdre son emploi de cadre dans une entreprise. Plus tard, la voisine, une infirmière très étrange (Hélène Alexandridis) venue se plaindre du bruit des enfants dans le jardin se lance avec exaltation dans un récit où il est question de son mari médecin parti à la guerre et d’hommes cachés dans les égouts pour survivre, « ceux qui s’accrochent à la vie ». Claire partie à un séminaire de traduction, Christopher joue avec une étrange petite fille, double en miniature de la voisine infirmière.

Peu à peu des détails interpellent le spectateur et une inquiétante étrangeté perce sous ce quotidien qui semble banal : pourquoi la petite fille a-t-elle les mains tachées de sang ? L’infirmière existe-t-elle vraiment ou est-elle un personnage sorti de l’imagination de Claire ? Quelle est cette guerre dont parle l’infirmière ? C'est ce brouillage entre la réalité la plus banale et l'irréalité la plus menaçante qui fait la force de Martin Crimp. Derrière la drôlerie, l’absurde, perce une angoisse véritable, une menace insidieuse. Le doute sur la réalité représentée n’est jamais totalement dissipé et entraîne le spectateur dans un questionnement sans fin sur l’illusion théâtrale.

Tout est juste, précis, parfaitement maîtrisé. Depuis l’admirable diction des acteurs tous excellents à la scénographie qui dessine un décor épuré, abstrait, où apparaît parfois en fond, comme un mirage un banc ou un arbre. Le sol noir brillant projette une douce lumière sur les acteurs comme s’ils étaient éclairés à la bougie. A voir absolument.

À Paris c’est fini, il faudra aller à la Comédie de Picardie d’Amiens du 17 au 21 février, à l’Avant-Scène à Colombes le 7 mars, au théâtre national de Bordeaux les 12 et 13 mars, du 17 au 21 mars au Centre dramatique national de Lille, les 24 et 25 mars à la Coursive à La Rochelle et le 28 mars au théâtre de l’Olivier à Istres.

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